Nuit Debout : les Belges disent aussi « Merci patron ! »

Pour la suite de mes aventures Nuitdeboutistes avec les Belges, j’ai fait un tour au cinéma, pour une rencontre avec François Ruffin, avant de partir avec ma clique Place de la République pour préparer Global Debout. Dimanche 15 mai, des Assemblées générales vont se tenir partout dans le monde, pour fêter le cinquième anniversaire des Indignés espagnols.

La salle est comble. Ce jeudi 5 mai, le journaliste et réalisateur François Ruffin vient présenter son film Merci patron !, en avant-première à Bruxelles. Il est en retard. Mon ami Nuitdeboutiste Adrien ne rate pas cette occasion d’inviter tout le monde à venir se mobiliser dimanche 15 mai, au Mont des Arts, la place où l’équipe belge de Nuit Deboutse retrouve régulièrement depuis le 6 avril.

Et merci, patron !

Le film raconte l’épopée de François Ruffin à travers la France, à la rencontre des malheureux salariés de Bernard Arnault et de l’hydre aux 1000 têtes du vêtement : LVMH. Comble : il a fallu que je vienne en Belgique pour enfin voir ce film qui a donné naissance au mouvement Nuit Debout… à Paris ! Pendant que les images défilent, deux choses me frappent dans l’approche de François Ruffin.

Le rédacteur en chef de Fakir met d’abord son humour décapant au service de la dénonciation efficace de l’absurdité et de la violence du système LVMH. On rit jaune quand il se fait vider de l’Assemblée générale des actionnaires ou lorsqu’il pose une caméra cachée chez une famille sinistrée par un licenciement, les Klur, vrais héros de Merci patron. « Le film illustre la vision des riches du monde social », explique-t-il dans le débat qui suit la projection. Et autant le faire en mode « comédie populaire », pour « mettre de la fantaisie dans la vie des gens ».

On sillonne les routes avec lui, au volant de sa camionnette siglée et paré de ses plus beaux tee-shirts « I love Bernard », et une deuxième caractéristique nous saute aux yeux. François Ruffin aime les gens. Son regard sur les travailleurs du textile est rare et précieux. « Les classes populaires sont invisibles, à l’Assemblée nationale comme dans les médias. Depuis plusieurs décennies, on peut les frapper durement sans réaction du corps social. Ce que nous avons essayé de faire avec Merci patron !, c’est un film anti-pédagogique, qui offre une compréhension plus large de la précarité sociale, en partant du cas de la famille Klur. » Il se revendique populiste, au sens du Petit Robert : « J’essaie de décrire avec réalisme la vie des gens du peuple. »

Le film se termine. Standing ovation. Le journaliste demande qu’on applaudisse surtout tous ceux qui l’ont aidé dans son enquête : les Klur, bien sûr, mais aussi les autres anciens salariés et les syndicalistes qui se battent pour faire respecter les droits des travailleurs. Je lui demande s’il est surpris du succès de Nuit Debout, qui a débuté un 31 mars Place de la République, notamment autour de la projection de son documentaire.

« Dans le désert actuel, où le milieu politique se rétracte sur lui-même, Nuit Debout propose un oasis de joie auquel beaucoup de monde a trouvé à s’abreuver. » Il parle d’un mouvement parapolitique, qui n’a rien de spontané. « Le mouvement, même s’il a pris de l’ampleur au-delà de nos espérances, a nécessité un vrai plan de bataille. Tout a commencé notamment quand Frédéric Lordon m’a dit après avoir vu mon film : ʺTon truc, c’est une bombe. Il faut la faire exploser, et en faire un événement politiqueʺ. »

Interrogé sur la possible institutionnalisation du mouvement, François Ruffin répond qu’il redoute davantage « un repli nombriliste » : « C’est important que Nuit Debout trouve le chemin pour nouer des alliances, notamment avec les syndicats. » A la sortie de la salle, ça se bouscule pour acheter Fakir et les livres de sa maison d’édition. On distribue quelques journaux avec François Ruffin. On est bien, on sent à notre place. Et on repart contents, avec quelques livres offerts pour notre petite contribution.

On retrouve ensuite la joyeuse clique de Nuit Debout Bruxelles, qui tient une réunion depuis plusieurs heures pour préparer l’événement du 15 mai, et le départ à Paris, prévu pour le samedi matin. On finit tard. On joue à des jeux de mots, des jeux drôles et de rôles, qui nous permettent de mieux nous connaitre. On se quitte heureux de bientôt se retrouver.

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Déclinaison mégaphonesque

Samedi matin. Départ pour Paris, en voiture pour les uns, en bus ou en covoiturage pour les autres. Une dizaine de Nuitdeboutistes belges va converger vers la Place de la République à la rencontre des Français et des internationaux qui se retrouvent égaux, tous Debout. Epique, le mégaphone à fond dans la voiture à la sortie de Bruxelles, au son de « We will rock you » et de « Merci patron ». La chanson des Charlots devient une sorte d’hymne, qui rythme le weekend.

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Arrivée triomphale sur la Place de la République. Tour de piste, au son de – devinez quoi ? – notre nouvelle rengaine syndicaliste. Quand on arrive, il y a encore assez peu de monde. Les Nuitdeboutistes sont des oiseaux de nuit. Ils déboulent toujours plus tard, après avoir repris des forces pour affronter une nouvelle longue soirée, à parfois jouer au chat et à la souris avec l’armée de CRS qui effectuent un drôle de ballet autour de la place.

La place, justement, se remplit doucement. On s’imprègne de l’ambiance. On écoute. Les internationaux restituent les conclusions de leurs ateliers de l’après-midi. L’assemblée générale débute, et les doléances commencent. Au bout d’un moment, on a même le tournis de toutes ces voix amplifiées qui s’entremêlent, à droite, à gauche.

Un tour au Canal Saint-Martin, tassés comme des sardines, à la Parisienne. Une bière, pas belge, et le sourire d’être ensemble, réunis par un mouvement qui nous dépasse, même si on n’a pas encore d’idée claire de ce qu’il en sortira.

Dimanche. La place est quasi-déserte, vers 11h30. Les membres de GlobalDebout, la commission internationale qui organise la mobilisation du 15 mai partout dans le monde, profitent du soleil en lançant les groupes de travail. La journée du groupe belge se passe comme ça, entre indolence, travail commun, réunion politique et rencontre des militants venus de partout. Debout.

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En fin d’après-midi, la place prend des airs de festival. La musique envahit les corps et les cœurs, avec une FanfareDebout et une jam session, où les musiciens nuitdeboutistes convergent, attirés par les notes. On est heureux d’être là, et on sent un peu cette atmosphère de fin de colo, quand chacun va bientôt rentrer chez soi.

Un dernier coup d’éclat : Merci Patron résonne au mégaphone de mes amis montés sur la statue de la Place. Je reste à Paris ; l’équipe belge repart. Mais j’ai déjà décidé que le 15 mai, je serai à Bruxelles, pour filer un coup de main sur les réseaux sociaux et amplifier l’événement dans cette ville qui m’accueille, bras ouverts.

Dimanche prochain – pour célébrer le cinquième anniversaire du 15 mai 2011, fondateur du mouvement des Indignés espagnols – le noyau d’irréductibles bruxellois espère bien être à nouveau rejoint au Mont des Arts par une foule de citoyens curieux et avides de s’engager autrement.

Arrivée hier soir, je détaille davantage le programme – co-construit avec les autres acteurs locaux – avec l’équipe, qui se retrouve encore. Assemblée générale, commissions thématiques, interventions, mais aussi, animations artistiques, pour les grands et les petits (Orchestre Debout, clowns, jonglerie, maquillage…). Quand je les entends raconter leur vision de l’événement, les mots de Sarah, prononcés la semaine dernière avant le départ parisien, me reviennent en mémoire. « Pour certains, le combat est très cérébral, avait-elle dit. Mais on ne doit pas oublier que beaucoup de gens se battent avec le cœur. » Sous le lampadaire, dimanche, la convergence des transitions se déclinera par la tête et le cœur.

Rejoignez-nous dès 16h au Mont des Arts, à Bruxelles, et/ou suivez l’événement sur la page Facebook de Nuit Debout Bruxelles et sur le compte Twitter, avec le #15MayDebout #BruxellesDebout #GlobalDebout.

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