Du 12 au 14 février, j’ai eu la chance d’accompagner une vingtaine de membres de la communauté barbare à côté de Mâcon, en Bourgogne, pour un weekend de partage et de co-création. Un principe nous a guidés pendant ces deux jours : la bienveillance absolue. Retour tout subjectif sur ces deux jours dont je me suis délectée.
Il m’a fallu une semaine pour trouver le temps d’écrire ces quelques lignes, dans le train qui me ramène de Marseille, où j’ai assisté au départ en mer de l’Aquarius, qui viendra en aide aux naufragés de la Méditerranée.
Une semaine, le temps d’atterrir, après ce weekend barbare intense, mais aussi celui de m’extraire de mes activités quotidiennes, professionnelles et personnelles. Je sais en tout cas que j’aimerais prolonger les effets de cette parenthèse enchantée, à la fois hors du temps et complètement connectée au monde.
A l’origine, barbariser la politique
Tout commence quand je croise Antoine Brachet, cofondateur de la communauté des barbares, des innovateurs qui « disruptent » chacun leur domaine, lors d’une réunion publique de Ma Voix. Ce mouvement – qui n’est pas un parti – veut tout simplement « hacker l’Assemblée nationale » en faisant élire des députés citoyens, formés pour l’occasion, et obéissant aux décisions de ses membres, via une plateforme de vote en ligne.

Je croise Antoine, donc, peu de temps avant ce weekend barbare, que j’avais repéré mais qui m’était complètement sorti de la tête, prise que je l’étais par le tourbillon intérieur et extérieur que je traverse ces derniers mois. « J’imagine qu’il n’y a plus de place », lui demandais-je. Il se trouve que je suis du genre féminin et que les barbares participent, avec d’autres, à la mobilisation pour une plus grande présence des femmes dans le monde numérique via le hashtag #JamaisSansElles. Banco, j’avais ma place. Vive la discrimination positive !
Mon projet : le hacking politique. Qu’est-ce que ça veut dire ? Qu’est-ce que ça implique ? Mieux vaut-il hacker la politique de l’intérieur ou de l’extérieur ? Bien sûr, je savais que je n’allais pas avoir toutes mes réponses. Ce qui m’intéressait, c’était la réaction de tous ces entrepreneurs – de la société ou d’eux-mêmes – sur l’expérimentation politique, de Ma Voix et d’autres mouvements politiques citoyens.
Des barbares et moi
Au départ de Gare de Lyon, il y avait une petite ambiance de colo. Les gens, moi la première, avaient l’air contents de partir en goguette challenger leurs projets avec des congénères a priori plutôt cool, dans un cadre de travail magnifique et reposant. Le vendredi soir, chacun a pris la parole pour se présenter et pitcher son idée. L’objectif : réussir à organiser quatre sessions d’ateliers le lendemain, pour que chacun puisse explorer quelques points un peu précis.
Pour un retour plus détaillé sur l’ensemble des projets, lire le billet de Magic Janique, invitée à apporter son regard expert et bienveillant sur le weekend. De mon côté, je me bornerai à partager quelques bribes de mon expérience.
Le samedi matin, on a un peu payé les quelques verres d’eau de vie de poire et de prune enfilés la veille. Après un footing auquel je n’ai jamais réussi à me joindre, toute la clique était au rendez-vous pour le premier atelier. J’explorais avec Antoine Brachet et une petite dizaine d’autres les prochaines étapes de son projet de roman collaboratif « Un Peuple Totalitaire » (à retrouver ici). Comment donner une réalité à son personnage, Julien ? On ne vous dit pas tout, mais on va bien s’amuser…
Après ça, direction La Paillasse 2.0. Thomas Landrain, fondateur de ce « bio-hacker space » parisien, venait questionner la manière dont La Paillasse pouvait impliquer un public toujours plus varié sur des projets scientifiques pointus. Il est reparti avec plus de questions que de réponses, mais ça n’avait pas l’air de le déranger plus que ça. Pour avancer concrètement, Thomas n’a pas vraiment besoin des barbares ; il a déjà tout ce qu’il faut autour de lui. En revanche, il est reparti enrichi des remarques et des questionnements des uns et des autres sur sa démarche, ce qui nourrira peut-être d’autres réflexions à son retour.

L’après-midi, c’était mon tour. Alors, ce hacking politique, ça se passe comment ? En filigrane, qu’es-ce qui me pousse moi ? Antoine, Janique, Laetitia : ces trois personnes participent aussi à Ma Voix et c’était intéressant de mieux connaître chacun de leurs prismes. Au fil des échanges, j’ai aussi mieux compris le mien. Je pense que ce qui me plaît tant dans ces différents projets auxquels je prends part, c’est cette volonté d’expérimenter, de tenter de changer ce qui ne va pas, de l’intérieur et de l’extérieur, et sans jeter le bébé avec l’eau du bain. Se coltiner les enjeux qui font mal, et ne pas baisser les bras.
Belle découverte ensuite : Escapademos, un projet de quatre nanas d’enfer, tout juste diplômées de Sciences Po, pour donner à voir aux jeunes les initiatives de la transition (démocratique et écologique), à l’œuvre en France et en Amérique du Sud. Elles ont besoin de sous, pour un départ rapide, donc si vous pouvez les aider, GO, GO, GO !
Quand une zébrette trouve son troupeau
Mais le plus important, comme je m’en doutais, ne s’est pas passé dans les ateliers. Non, le sel de ce weekend barbare, ce sont les échanges informels, les temps de pause, la balade du dimanche à la Roche de Solutré après une cérémonie à Taizé (pas du tout œcuménique, hein, Clara Brachet)…

Ce sont les repas, le débriefing au Pressoir, avec ce Fish Bowl émouvant, suggéré par Antonin Léonard, le cofondateur de la communauté OuiShare. C’est l’accueil chaleureux de nos hôtes, bien barbares eux aussi… Ce sont surtout les rencontres, et le plaisir de s’enrichir de tous ces êtres très différents de soi, mais finalement très semblables.
Une métaphore que je connais bien m’est revenue en tête, dans le train de retour, en belle compagnie. La psychologue Jeanne Siaud-Facchin l’utilise pour parler des adultes surdoués, mais je trouve qu’elle s’applique parfaitement aux barbares que j’ai rencontrés ce weekend-là à Prissé. Les barbares sont des zèbres : aucun d’entre eux n’a les mêmes rayures et pourtant, ils appartiennent à la même espèce. Ce weekend bourguignon, je me suis sentie zébrée – ça j’ai l’habitude – mais je me suis surtout sentie auprès des miens.
Big up, donc à Antoine Brachet, Marc Dorel, Vincent Lassalle, Guillaume Bouin, Caterina Romanelli, Boris Aubligine, Thibaud Gangloff, Janique Laudouar, Sandrine Bellon, Clara Brachet, Thomas Carrier, Christophe Carrier, Laetitia Debeausse, Antonin Léonard, Thomas Landrain, Emmanuelle Tran Ngoc Jardat, Philippe Honigman, Stéphane Perrin Via Ferrata, Delphine Blumereau, Catherine Te… Je vous connais si peu mais vous êtes déjà un peu ma famille. Barbare. Reste à savoir comment une tribu zébrée peut activer toute la savane !
One Reply to “WEB #5, ou comment j’ai réveillé la barbare qui sommeille en moi”