Christophe Cesetti: “OuiShare, une caisse de résonance pour mes valeurs ”

Co-fondateur de l’association Valeureux, Christophe Cesetti incarne une autre forme d’implication dans OuiShare, moins exposée mais importante pour bâtir un futur commun. Il raconte ici son parcours et les liens entre son activité et la communauté.

“Actualiser les richesses dans les communautés.” Difficile de comprendre Christophe Cesetti et son engagement dans OuiShare sans évoquer le principe de Valeureux, l’association qu’il a co-fondée. “Pour nous, la valeur est ailleurs que dans la monnaie et les outils de mesure (PIB, comptabilité…), mais aussi dans les liens qu’on crée et la qualité de notre environnement.”

Christophe remet en cause sa conception de la richesse dès 2000. Après deux ans de logistique opérationnelle au Cameroun, il devient contrôleur de gestion dans une entreprise de travail temporaire.

Changer l’entreprise de l’intérieur

Il voit de nombreux collègues “exploser à cause des impératifs chiffrés et du manque de considération”. Le turn-over augmente, la qualité du travail diminue. Le décalage entre ses valeurs, les finalités sociales et la réalité de l’entreprise est tel qu’il se fait licencier en 2003: il est en plein burn out. “J’ai réalisé que j’avais été un bon petit soldat. Je ne pouvais plus cautionner ça.”

Christophe suit ensuite un MBA en contrôle de gestion mais s’intéresse de près au développement durable. “Quand ma première fille est née, j’ai pensé que j’allais créer le monde que je voulais pour elle.” Il intègre ensuite une entreprise de facility management. Il ne se voit pas comme “un pousseur de chiffres”, mais “plutôt comme un lien entre les diverses branches pour qu’elles prennent de bonnes décisions ensemble.” Ses chefs ne partagent pas toujours sa vision…

Son poste est supprimé, mais il reste au sein de l’entreprise et devient le premier responsable développement durable. Après un an de péripéties et quelques victoires, il est licencié. Il en tire des leçons positives, car c’est aussi le moment où sa conception de la richesse évolue, grâce à l’accompagnement d’un coach en actifs immatériels, Alan Fustec. “En m’intéressant de plus près au système monétaire et bancaire, j’ai eu une révélation et une poussée de colère: pourquoi n’avais-je pas ouvert les yeux avant?”

Expérimenter

En 2008, Christophe s’essaie à l’économie sociale et solidaire (ESS). Mais il trouve que “sous couvert d’une finalité sociale, certains maltraitent encore plus leurs salariés”. Il poursuit sa recherche sur les actifs immatériels au sein de think tanks et quitte son emploi pour participer à la création d’une Scop, la Green Team, avec des philosophes, des sociologues et des ingénieurs. « C’était une belle expérience mais comme on ne s’est pas entendu dès le départ sur un nouveau “faire ensemble”, ça n’a duré qu’un an”, regrette-t-il.

En 2010, après deux séminaires sur l’intelligence collective animés par Jean-François Noubel, il organise avec Dino Bendiab un atelier parisien “monnaies libres”. Ils se retrouvent ensuite à dix pour créer le collectif Valeureux. La recherche pionnière n’est pas toujours confortable, surtout quand on est chef de famille. “On a été de moins en moins nombreux. Certains ne pouvaient pas aller plus loin, ou ont pris part à d’autres projets, comme Etienne Hayem, connector de OuiShare, avec le projet Symba, ou Dino Bendiab, de l’agence Yuman. Moi, j’avais eu une deuxième fille, mais j’avais un peu d’argent de côté. ”

C’est dans ce contexte qu’il rencontre Antonin Léonard. A l’époque, Antonin s’apprête à lancer son blog. Ils s’échangent rapidement des contacts, des documents et des idées. L’année suivante, Christophe apprend qu’Antonin veut co-créer une communauté. “Ils hésitaient encore entre le “We” et le “Oui” de OuiShare; ça bouillonnait ! J’ai très vite voulu les rencontrer et suivre leur évolution.”

OuiShare, une communauté agile

Quand on l’interroge sur sa place dans OuiShare, Christophe préfère parler de “posture”. Il vient souvent aux événements parisiens, sans forcément avoir envie d’être impliqué dans l’organisation. Il aime le côté souple et agile de la communauté, qui lui permet de sortir des schémas pyramidaux, et la diversité de ses profils. C’est un “sympathisant pratiquant”. Covoitureur depuis 2007, il participe ou relaie de nombreuses initiatives comme le Mouvement des Colibris, Disco Soupe ou ShareLex. “J’essaie de me mettre au service de la communauté (contribuer, être à l’écoute, en soutien) tout en restant Valeureux.”

Il voit OuiShare comme une caisse de résonance pour ses valeurs, “un lieu où cette diversité est en symbiose, comme le blanc et le noir du Yin et du Yang. On prend soin les uns des autres.” Il essaie de pratiquer la coopétition, une coopération stimulante. OuiShare peut aussi l’aider à faire connaître ses projets, comme lors du premier OuiShare Fest, où il a présenté WeZer avec Sybille Saint-Girons. Valeureux veut développer ce dispositif et sa plate-forme web pour aider les communautés agiles comme OuiShare à “reconsidérer la richesse”, en mesurant l’implication de leurs membres.

“Quand l’argent manque, nous pensons qu’il faut s’autoriser à faire des choses parce que c’est cela qui créera de la richesse. On peut dire que OuiShare a très bien appliqué ce principe.” Bien sûr, la communauté élabore ses propres règles et cherche comment valoriser la participation de chacun: banque du temps, projet OuiShare resources, systèmes d’échanges alternatifs… Mais l’analyse de Christophe sur l’implication est intéressante. “OuiShare montre qu’on peut mettre en place une “implication organique”. Son modèle économique est décentralisé et vivant. Sans hiérarchie ou postes, la dynamique doit reposer sur la reconnaissance liée au degré d’implication.”

L’implication, valeur clé

“Il faut encourager les membres de la communauté à “conter ce qui compte” et à évaluer la qualité de leurs liens, pas seulement de l’action réalisée, détaille Christophe. Ce n’est pas si simple de dire ou de recevoir, avec empathie et bienveillance: “ce que tu as fait, c’était très bien techniquement, mais humainement, je pense que tu peux mieux faire.” Quand on a de l’argent, c’est facile de se débarrasser de l’autre: la finance solde la transaction. Ici, la valeur est dans la qualité de l’échange.”

Et c’est un sacré challenge de gérer les énergies de chacun. Certains se sur-investissent et s’épuisent. Ce n’est pas toujours facile de prendre soin d’eux avant le ras-le-bol. S’ils sont très impliqués et s’en vont, la communauté perd une richesse. D’autres peuvent être là un peu plus “en touristes”. L’important, c’est de les identifier ! Il arrive aussi, et c’est normal, qu’on n’ait pas d’énergie à certains moments. “S’investir, c’est comme une respiration, du bio-mimétisme, précise-t-il. On oscille entre avoir besoin des autres et pouvoir leur apporter notre aide.”

Christophe conclut: “OuiShare, c’est la plus douce transition entre l’ancien monde en train de mourir et le nouveau monde qui vient. Une société plus responsable, plus féminine, où le lien a autant d’importance que le bien; l’être que l’avoir. Il faut œuvrer à ce que la communauté soit assez grande, consciente et connectée pour qu’il y ait ce point de bascule. Au vu de l’énergie et de l’enthousiasme de ses membres, je sens que ce moment n’est pas si loin.”

Ce portrait a d’abord été publié sur le magazine en ligne de OuiShare.

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